lundi 3 janvier 2011

Tintin au pays de la double-pensée


Comme je disais plus tôt, les TéNOs sont pourris de double-pensée. Il y a une et une seule opinion valide : « tout le monde est gentil, le gouvernement est compétent et bienveillant, on fait tout mieux que tout le reste du monde, les aborigènes sont les gens les plus intelligents du monde, et quiconque n’est pas d’accord est un ennemi et doit être exterminé ».

La loi canadienne interdit l’établissement d’une police de la pensée, mais ça n’est pas nécessaire. Pensez-vous : un tiers du territoire travaille pour le gouvernement, ils sont donc tous formés à la double-pensée et à la répression des crimes de pensée. Ou bien ça leur vient naturellement et c’est pour ça qu’ils gravitent vers les postes de la fonction publique ; on ne peut pas vraiment le savoir. Toujours est-il qu’on a une clique de tchékistes en herbe qui poursuit sauvagement quiconque a une opinion. Heureusement, la loi les empêche d’arrêter et d’exécuter les gens, alors ils se contentent de t’attaquer verbalement, et ce qui est plus grave, de te nuire par tous les moyens possibles dès que l’occasion se présente ; par exemple, essayer de te faire perdre ta job. Il y en a qui s’acharnent pendant des années.

Par exemple, un crétin de Nunavut me harcèle depuis deux ans parce que j’ai osé dire qu’il y aurait moins de suicides à Nunavut s’il y avait du travail. Ça ne vous surprendra pas (j’espère) d’apprendre qu’il est enseignant. De tout évidence, il faut s’assurer que la formation des jeunes esprits soit assurée par des gens qui comprennent la double-pensée et le harcèlement des criminels de la pensée. Enfin une fois de plus, la loi (canadienne, pas territoriale) me garantit la liberté de pensée et la sécurité ; donc je l’ai menacé de le charger pour « harcèlement criminel ». En fait j’aurais eu beaucoup me mal à convaincre la police de le charger, mais étant déjà accusé de voies de fait sur un élève, il n’a pas voulu tenter sa chance. Car nos tchékistes amateurs sont également très peureux.

Une autre folle s’acharne à me gâcher la vie parce que j’ai dit un jour que je ne donne pas aux « bonnes œuvres » de ma communauté car c’est du gâchis d’en donner à des gens si riches. Alors je lui ai dit, « si jamais tu communiques de nouveau avec moi de toute ta vie, ça va être notre signal secret que t’es d’accord pour te battre. » Pourquoi ? Parce que si tu frappes quelqu’un, c’est un crime, mais si vous vous êtes mis d’accord pour vous battre, ça n’en est pas un. Alors comme ça elle sait que si jamais je vois son gros cul d’emmerdeuse, je peux lui casser la gueule sans risque de représailles, puisqu’elle est d’accord pour se battre.

Est-ce que je lui casserais vraiment la gueule ? Probablement pas. Pas que ça me dérangerait de trop, ou que j’aurais du mal à leur péter la gueule à tous les deux en même temps, mais j’ai mieux à faire avec ma vie. Mais c’est quand même sidérant qu’il faille en venir à les menacer de violence pour qu’ils me foutent un peu la paix. Et en même temps, eux autres et toute leur clique de petits zombies malveillants se disent que eux ils sont super gentils parce qu’ils me harcèlent de toutes leurs forces pour avoir eu une opinion. Et c’est bien là que la double-pensée se manifeste. Avoir et exprimer ses opinions, c’est un droit garanti par la loi, et dans une démocratie c’est aussi un devoir civique. Au Canada, en plus, c’est officiellement un des devoirs des citoyens de « n’être pas d’accord de façon respectueuse. » Ça c’est noir sur blanc, tu dois l’apprendre pour obtenir la citoyenneté. Mais ici aux TéNOs, les « gentils » c’est ceux qui persécutent les gens qui ont des opinions. Incroyable, non ?

Et il n’y a pas que les idées qui leur déplaisent. Tout propos qui ne les glorifie pas est un crime de pensée. Les gens d’ici ont les egos les plus fragiles du monde, donc si jamais tu dis qu’Untel fait mal son travail, ou qu’il s’est trompé sur quelque chose, ou que son art n’est pas intéressant, ou que les gens qui construisent leur maison dans la zone de la crue de la rivière ne devraient pas être surpris d’être inondés chaque année, tout le monde pique une crise de nerf. On se croirait dans une classe de maternelle où tous les gosses sont des futurs psychopathes.

C’est bien pour ça que j’écris en français quand je veux parler librement. Je pourrais créer un blog pour parler de marxisme et des âneries de notre gouvernement en anglais, bien sûr, mais ça n’élargirait pas le débat, et ça me remettrait à dos tous les « NWT bloggers. » On croirait, au nom, que les « NWT bloggers » sont des gens qui vivent dans les TéNOs et écrivent des blogs, mais ce n’est pas vraiment ça. Les « NWT bloggers » sont une clique de double-penseurs. Ils travaillent presque tous pour le gouvernement, et ils écrivent tous des blogs sur le même thème : « l’ordre règne à Varsovie. » Ils n’ont jamais rien à dire, sauf pour répéter l’opinion prescrite du jour. Mais ils sont très courageux, en bande, pour s’attaquer aux criminels de la pensée. Et pour se féliciter les uns les autres sur leur gentillesse, libéralisme et intelligence, entre deux volées d’insultes à ceux qui ont des idées. Pas tous, il faut bien le reconnaitre. Il y en a qui se contentent de se taire quand les meneurs attaquent une victime. D’ailleurs grâce à la double-pensée, ils ne se rendent compte de rien.

En fin de compte tout ça n’est pas très grave, car les travailleurs ne sont pas en ligne à lire des blogs marxistes, donc je ne perds rien à écrire en français, et j’y gagne de ne pas avoir à défendre ma liberté de pensée.

Les travailleurs, eux, ne sont pas formés à la double-pensée. Ils se rendent donc bien compte qu’ils sont lésés et que la bourgeoisie double-pensante les étrangle. Mais comme ils ne sont pas non plus formés au marxisme, ils ne savent pas que le fait qu’ils soient opprimés est reconnu et étudié depuis plus d’un siècle, et qu’il suffirait de se grouper pour que demain, l’Internationale soit le genre humain. Donc ils continuent à se laisser opprimer et à s’en plaindre entre eux, sans qu’il leur vienne à l’idée de s’unir et d’y faire quelque chose. C’est d’ailleurs, comme je le disais il y a quelques jours, un des effets pernicieux de notre gouvernement : le comportement hideux des employés de la fonction publique, protégés par leur syndicat, monte les travailleurs contre l’idée des syndicats, et les garde donc fermement sous la botte de la bourgeoisie.

Je vous dis, c’est orwellien.

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