mercredi 5 octobre 2011

Le défi de la satyagraha

Livre n°84 : Gandhi : the man, his people, and the empire par Rajmohan Gandhi, 2006.

Bin c'est huit semaines de ma vie que je voudrais qu'on me rende. D'abord, c'est très plate, ce truc. On croirait que ça serait passionnant, l'histoire de la non-violence, la libération de l'Inde, la séparation du Pakistan, tout ça... Non. Les événements étaient probablement passionnants, le gars ne l'était pas du tout. D'ailleurs l'auteur, le petit-fils de Gandhi, a l'air de perdre de vue l'histoire au bout d'un moment et ne parle plus que du gars, alors qu'il n'est intéressant que dans le contexte de l'histoire. Des trucs genre « ce matin-là, il mangea des carottes crues au petit-déjeuner », bon, moi je m'en moque complètement.

Deuxièmement, Gandhi était assez insupportable, personnellement. Codépendent, narcissiste, despotique, geignard, capricieux, et en fait, après l'Afrique de sud, assez lâche. Lâche ? Oui, j'ai dit lâche. On croirait qu'il était très héroïque, jeûnait pour la paix dans le monde, n'avait pas peur d'être assassiné, tout ça, mais bon, il trouvait toujours moyen de ne pas être là où c'était dangereux ; il y envoyait ses collaborateurs. Oui, il a été emprisonné plusieurs fois, mais il était très bien traité en prison, on lui donnait tout ce qu'il voulait et on laissait ses amis non seulement lui rendre visite, mais rester en prison avec lui. Quant aux grèves de la faim, il en avait l'habitude et n'y risquait pas grand-chose, et en plus ça lui permettait de se faire encore plus dorloter que le reste du temps, et c'est dire beaucoup. Bien qu'étant en très bonne santé, il se faisait faire son bain (par des femmes) et des heures de massages par jour, huiler la peau, etc. Les grèves de la faim, ça fait un peu l'effet d'un sale gosse qui retient son souffle jusqu'à ce qu'on lui donne ce qu'il veut. En plus Gandhi adorait son culte de la personnalité et ne manquait pas une occasion de l'entretenir. Il désirait être assassiné pour mourir en héros. Comme a dit l'un de ses collaborateurs, « vivre avec les saints au ciel c'est glorieux, mais vivre avec un saint sur terre c'est une grosse galère. »

En tant que politicien, Gandhi ne pensait qu'à ce qu'il voulait, mais il prétendait toujours que c'était ce que voulait l'Inde. Par exemple, il insistait que le Congrès et seulement le Congrès représentait tout le peuple indien, alors que de toute évidence la Ligue et d'autres groupes représentaient mieux leurs adhérents, et il n'y avait aucune raison de croire que le Congrès était supérieur aux autres partis. Au sein du Congrès, il nommait toujours le président, grâce à des stratagèmes comme de mettre la pression sur tous les candidats pour qu'ils se retirent et ne laissent que son poulain en lisse. Si ses motions ne passaient pas, il boudait et gémissait que personne ne l'écoutait, mais au lieu de tenir bon, de créer un nouveau parti, de faire une grève de la faim, ou autre, quand il perdait, il se mettait aussitôt à essayer de contrôler l'initiative qui l'emportait, de façon à garder la direction, plus ou moins imaginaire, du parti.

Comme homme de famille il était encore pire ; violent avec sa femme, despotique et négligent à la fois avec ses fils. La dernière fois qu'il a été arrêté, sa femme, qui avait 74 ans, lui a demandé ce qu'il voulait qu'elle fasse. Il lui dit « fais-toi arrêter aussi, ou viens en prison avec moi ». Elle se fait donc arrêter et meurt en prison. Lui refuse de demander qu'on la relâche pour se faire soigner, alors que quand il est malade, le Raj est aux petits soins ; elle meurt donc, et lui de se plaindre que le Raj n'a rien fait pour l'aider. Quel hypocrite... Ses fils n'ont pas reçu d'éducation (lui si, moyennant un coût très élevé pour sa famille) et ont passé leurs vies à le servir.

En plus, il disait beaucoup de trucs très bêtes. Bon, il a dit beaucoup de trucs utiles, c'est vrai, mais les âneries ternissent les trucs utiles. Par exemple, parlant à une mère dont le fils est malade « pourquoi tète-t-il encore à son âge ? Comment peut-on permettre à un enfant de deux ans de téter ? » Euh... On te demande ton opinion, vieux schnoque ? C'est pas du tout anormal pour un gosse de deux ans de ne pas être complètement sevré. Ou encore, essayant de convaincre le Congrès que le premier président de l'Inde libre devrait être une jeune femme intouchable, « elle devrait être parfaitement chaste, avec des yeux brillants... Elle n'aurait pas à s'occuper de diriger le gouvernement de l'Inde, elle aurait des ministres et agirait sur leurs conseils. Elle ne ferait que signer des papiers. » Ah ouais... Vachement utile pour l'égalité des femmes, ça. Ou des intouchables.

Bon, j'en passe. Le but de cet exercice de lecture de biographies c'est 1) d'apprendre l'histoire du monde et 2) de voir en quoi les despotes se ressemblent entre eux et diffèrent du reste du genre humain. Bin avec Gandhi, en fait, il ressemble plus à Mao que Staline, alors on se demande un peu, pourquoi Staline, qui parait plus normal que Gandhi, est devenu « un monstre » et Gandhi un saint ? A mon avis c'est une question de circonstances. Gandhi a toujours été très bien traité ; ses parents l'adoraient, ses compatriotes et collègues le respectaient, même en prison il était toujours choyé. La satyagraha a commencé en fait parce qu'il a été maltraité en Afrique du Sud et ne comprenait pas qu'on lui manque de respect ; étant codépendent, il a inclus tous les siens dans la lutte. Staline, lui, avait un père violent et une mère acariâtre, il était exclu et ridiculisé à l'école, il n'a pas reçu d'éducation, ses collègues au parti lui manquaient de respect, et il s'est retrouvé un peu par hasard à la tête d'une révolution de gens dangereux, où il fallait tuer ou se faire tuer. Pourtant il était meilleur père que Gandhi et détestait son culte de la personnalité, qui était organisé par Agitprop. Donc ça rappelle un peu ce qu'a dit Tolstoï (qui était très copain avec Gandhi), soit que les chefs croient mener les peuples mais ne font que marcher devant la foule ; ou comme dit Lao Tse, le sage mène en suivant.

D'autre part, j'ai sur ma liste de livres à obtenir deux bouquins intitulés The Anatomy of Evil et The Lucifer Effect. Le premier explique que les super-vilains ont deux points communs : le narcissisme et l'agression. Le deuxième dit que les gens parfaitement normaux deviennent facilement des « monstres » quand les circonstances s'y prêtent. D'ailleurs sur ce sujet, je veux également lire Obedience to Authority. Donc tout ça pour dire que soit je lis des biographies très mal faites, soit Gandhi et Staline présentent une illustration très intéressante de ces théories.

Donc si vous aimez Gandhi, je vous recommande de ne pas lire cette biographie. Lisez plutôt celle de Staline, c'est bien plus sympa.

Pour me distraire de ces fumisteries, j'ai lu en même temps les livres suivants :


Livres n°73, 74, 75, 82 et 83 : Lettre aux Hébreux, 1ère lettre aux Corinthiens, Evangile selon Saint Jean, 2ème lettre aux Corinthiens, lettre aux Galates.

Bon, y en a des mieux et des moins biens, mais dans l'ensemble, la lecture de la Bible, c'est toujours relaxant. Saint Jean, beuh, j'aime moins que les trois autres, surtout que ça a été écrit plus tard et on se demande un peu à quel point c'est fiable. (Nous autres luthériens nous permettons de douter de la fiabilité de la Bible, vu que c'est écrit par des humains et pas par Dieu lui-même.) La lettre aux Hébreux ne m'a pas fait une grosse impression, et 2 Corinthiens est un peu n'importe quoi, mais 1 Corinthiens et Galates, c'est très bien. Je le recommande.


Livres n°76 et 77 : The Lutheran Handbook et The Lutheran Handbook II, Augsburg Fortress, 2005 et 2007.

Le but de ces livres c'est d'apprendre comment être luthérien, ce qui est bien utile quand on a commencé dans la vie comme catholique. Le manuel des luthériens donne de bon conseils sur tous les aspects importants de la vie luthérienne, de « comment rester éveillé pendant le sermon » à « comment éviter de se faire brûler vif, et que faire si c'est inévitable » en passant par les conseils de Martin Luther pour chasser le diable (péter, apparemment, est efficace), et comment apprendre le catéchisme par cœur (garder une copie sur les chiottes permet de le lire régulièrement). C'est très marrant, mais bon, c'est de l'humour luthérien. Je le recommande aux luthériens convertis récemment ; les autres ne le trouveront probablement pas utile.


Livre n°78 : Hind Swaraj par Mohandas Gandhi, 1908.

Texte clé de Gandhi sur l'indépendance de l'Inde. Plus intéressant que sa biographie, mais quand même, treize piasses pour un bouquin de 70 pages, c'est pas donné. D'autre part, le côté très Luddite de ses idées, bien que valide, les rend assez difficiles à populariser. Ce livre devrait être une lecture obligatoire pour les députés à l'assemblée territoriale, car mes compatriotes réclament plus de swaraj sans avoir aucune idée de ce que ça leur coûterait. Malheureusement, je doute que les bonnes idées « du » libérateur de l'Inde (bon, il était pas le seul à y travailler) trouve une audience attentive ici.


Livre n°79 : The Everything Music Theory Book, 2nd edition par Marc Schonbrun, 2011.

C'est pas pire, ce livre, mais c'est pas génial non plus, et surtout, c'est un énorme gaspillage de papier. Il y a beaucoup de mots inutiles, et le cercle des quintes est reproduit quatre fois, sur une page entière, alors qu'il suffirait de mettre « voire diagramme page N ». C'est aussi très rudimentaire, surtout les chapitres 1 à 8 et 14. On apprend les clés, les intervalles, blah blah blah, trucs que tout le monde connait. Ou que justement, tout le monde ne connait pas, et donc ceux qui connaissent écrivent des livres pour ceux qui ne connaissent pas, et il est très difficile de trouver un livre qui aille plus loin et qui ne coûte pas $95. Dans les chapitres 9 à 13 on parle d'harmonie, donc c'est un petit pas dans la bonne direction, mais dans l'ensemble, ce livre est trop élémentaire pour son prix, ou trop cher pour son contenu. Je ne recommande pas.


Livre n°80 : Pocket Music Theory par Keith Wyatt et Carl Schroeder, 1998.

Bien mieux que le précédent, ce livre couvre les mêmes sujets, mais mieux et pour 20% du prix. Il y a moins de mots mais plus d'idées, et le cercle des quintes n'apparait pas du tout. Je le recommande.


Livre n°81 : On the Mystery : discerning divinity in process par Catherine Keller, 2008.

Pouah ! J'ai dû lire tout le texte parce que mon pasteur me l'a prêté, et je vais devoir lui écrire une opinion un peu nuancée et prendre l'air intelligent, mais si ce n'était que de moi, je le recyclerais en papier hygiénique. D'abord, l'auteur est une théologienne misandre et qui aime s'entendre parler. Elle fait du « style », ça on sait que j'en ai horreur, mais dans son cas en plus il n'y a pas de substance ; elle joue sur les mots et n'exprime rien que son admiration pour son propre talent ; en plus vers la fin, elle nous dit, je ne trouve plus le passage pour le traduire exactement, mais en gros, qu'il faut communiquer la vérité de Dieu au lieu de mystifier les gens avec des mots... alors que c'est exactement ce qu'elle a fait sur 170 pages.

J'ai du mal à trouver ce qu'elle cherche à dire, en partie parce que je m'en foutais dès la page 11, lorsqu'elle prononce un jugement absolu, négatif et complètement arbitraire sur un homme qu'elle n'a même par rencontré, après avoir commencé par nous dire qu'on ne peut pas parler de Dieu en termes absolus. Puis elle le refait ! Plusieurs fois ! Elle est très forte pour juger les autres. En termes simples : les hommes c'est tous des caves. Mais comme elle essaye de gagner sa vie comme théologienne et pas comme man-hater, tout le style et la misandrie sont présentés comme ayant rapport à Dieu d'une façon qui m'échappe. Elle critique les théocrates (c'est des hommes, d'ailleurs, donc tous des caves) et les athées (c'est aussi des hommes, donc tous de caves) et prône une sorte de voie du milieu qui n'est comprise que par les femmes, vu qu'y a qu'elles qui soient pas des caves, et qui a quelque chose à voir avec le sexe, parce que si l'Eglise ne parle pas de sexe c'est pour réprimer la sexualité des femmes.

Si on peut extraire un concept à peu près valable de ce miasme de jeux de mots nuls, c'est qu'elle a découvert une autre solution entre l'extrémisme dans un sens et l'extrémisme dans l'autre sens. Ouais ! Giga ! La joie ! Bon, remarquez, le Bouddha avait déjà expliqué la Voie du Milieu avant le Christ, et bien mieux qu'elle, donc c'était peut-être pas la peine de nous écrire 170 pages de culte d'elle-même pour nous dire qu'elle a re-découvert l'eau tiède.

Je ne le recommande pas. Non seulement c'est le livre le plus nul que j'ai lu depuis des années, mais ça m'a donné envie d'aller lui mettre une paire de baffes. C'est des gens comme ça qui donnent une mauvaise réputation à la religion.

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