jeudi 17 décembre 2009

La vie séduisante du charpentier, épisode 5

Hier au marché, on avait du contreplaqué à monter à l'étage. Par l'escalier. 18 marches.

Bon. Les ordres, hein...

Alors je pogne une planche et j'y vais. Et je suis optimiste et contente de moi, parce qu'une planche de 3/4" ça pèse à peu près 57 lbs et ça mesure 4' sur 8' (français de France: une planche de 19 mm ça pèse à peu près 26 kg et ça mesure 1,22 m sur 2,44 m), et on en prend tout le poids d'une main, alors, il faut avoir le tour de main.

Bon, je m'avance vers l'escalier avec ma planche de contreplaqué, pleine d'enthousiasme pour mon job génial.

La planche arrive à l'escalier. J'entends par là que le bord avant de la planche cogne contre une marche.

Mes pieds, non.

Mes pieds sont encore à un pied (30 cm) de la première marche.

Bon.

J'essaye de hisser la planche plus haut.

J'essaye de la mettre de côté sur mon épaule.

J'essaye de la poser sur la tranche et de la traîner.

J'essaye de la poser à plat et de la traîner.

J'essaye de la pousser.

J'essaye à nouveau de la soulever et de m'approcher de l'escalier.

J'essaye de voir comment le camarade s'y prend et de le copier.

J'essaye de la faire léviter à force de jurons.

J'essaye de l'autre main.

Bon, les ordres, c'est les ordres, mais il n'y a pas eu moyen. J'aurais peut-être pas réussi à monter les 18 marches, vu que 57 lbs (26 kg) c'est lourd, mais en fin de compte j'ai même pas pu essayer... J'ai jamais réussi à m'approcher à moins d'un pied (30 cm) de la maudite marche.

La plupart des jours, c'est le charpentier qui gagne, mais parfois c'est le bois.

7 commentaires:

Abige Muscas a dit…

et à deux?

Mongoose a dit…

Ben, non, à deux ça aurait pris plus longtemps que pour un camarade de le faire seul.

Abige Muscas a dit…

deux fois plus, même, mais peut-être pour un résultat différent (genre la planche en haut et pas en bas)...

Mongoose a dit…

Le truc, c'est qu'un gars seul marche plus vite que deux gars, donc si un gars peut porter quelque chose tout seul, ça vaut toujours la peine de le faire seul plutôt qu'à deux. Donc si je trouvais un autre camarade qui peut pas monter une planche tout seul, à nous deux ça nous prendrait moins de temps que chacun seul. Mais si je trouve un camarade qui peut le faire, ça va plus vite de le laisser tout faire tout seul que d'essayer de l'aider.

Il y a beaucoup de jobs comme ça, où un gars peut le faire seul plus vite que deux gars, en heures réelles.

Anonyme a dit…

Qu'il me soit permis d'ajouter mon grain de sel à cette fort intéressante petite réunion de famille en signalant que la réglementation du travail, en France, fixe à 25 kg la charge maximale portable par une femme. 25, pas 26 ; pour une fois, on dirait que le législateur a eu du nez !

Anonyme a dit…

Par ailleurs, traiter de la question sans tenir compte de la durée de vie d'un travailleur occulte l'usure prématurée liée aux manipulations répétées de charges, lourdes ou non ; certes, pour ce tas de planches, un gars costaud en aurait fini en deux temps, trois mouvements. Mais pour ma part, je force systématiquement ma main d'oeuvre à travailler en équipe pour limiter les risques de blessures immédiates (articulaires et musculaires) ET ultérieures (troubles musculo-squelettiques).
Pour la même raison, j'interdis au conducteurs d'engins de sauter à terre et les enjoins de descendre de leur poste en gardant toujours trois points d'appui.
Malgré ces précautions, un de mes soldats est actuellement cloué au lit par un lumbago aigu doublé d'une infection ; le dos, en plus d'être fragile, est extrêmement malaisé à soigner...

Mongoose a dit…

Ah oui, les trois points d'appuis, c'est ma règle d'or. Et puis je fais très attention au risques de chute sur les sites, alors que le camarade qui a 18 ans, lui, trouve ça très normal et amusant de tomber trois ou quatre fois par jour.

Quant aux charges à transporter, en général tout est emballé en paquets de 40 à 50 lbs (18 à 23 kg), mais pour le bois, évidemment, ce n'est pas possible. Et en effet ça use les travailleurs, mais pour moi ça vaut quand même mieux que le travail de bureau, qui me détruit le dos en une semaine.