vendredi 12 avril 2013

Et hop, à l'ouvrage!

J'ai enfin commencé à travailler pour de vrai, c’est-à-dire dans l'espace ventes au lieu de regarder des vidéos de formation sur l'ordinateur. Ouais, giga, la joie!

Bon. Ma job c'est l'approvisionnement de la surface de vente. Les camions viennent la nuit, les receveurs les déchargent et reçoivent les palettes, et mon équipe défait les emballages et met les produits sur les rayons. C'est simple.

Alors vous pensez peut-être qu'avec toutes mes compétences, je pourrais peut-être faire un job moins cave que ça.

Bin oui. Mais l'ennui, c'est que parfois, il faut choisir entre une job intéressante et un bon employeur. Celui-ci est un des 100 meilleurs employeurs du Canada. Alors qu'est-ce qui vaut mieux: un travail cave pour un bon employeur, ou un travail intéressant pour un employeur cave? Ça fait quinze ans que je fais la deuxième option, alors je me suis dit que ça serait pas pire d'essayer la première.

Deuxièmement, c'est quand-même toujours La Crise et le BTP n'a toujours pas repris, alors c'est pas la peine de s'énerver. Pis quand je regarde d'autres chercheurs d'emploi et leurs raisons pour refuser des jobs, c'est bizarre, quand-même. "C'est pas ce que j'ai étudié." "C'est pas à ma mesure." "Je mérite mieux." "Ça paye moins que ce que je faisais avant." "C'est pas ma job de rêve." "Ça ne me permet pas de m'exprimer." Ou comme les Nouveaux Démocrates disent, "c'est un tel gâchis de talent de faire travailler quelqu'un qui a des qualifications dans un travail qui n'en demande pas." Du coup j'ai arrêté de payer mes cotisations parce que c'est trop ridicule. Je vois pas comment c'est moins du gâchis de laisser les mêmes gars rester à la maison assis sur leurs mains que de les envoyer travailler desdites mains.

Pareil pour les autres excuses. C'est pas ta job de rêve? Ah bon? Pis chômeur ça l'est plus? Tu t'exprimes mieux au chômage? Ça te paye mieux le chômage que la job? Je comprends mal. Cette idée des Nouveaux Démocrates surtout que les chômeurs devraient pouvoir rester là où ils sont à ne rien faire et attendre que le gouvernement fédéral crée l'emploi qu'ils veulent, là où ils veulent, pour le prix qu'ils veulent, c'est n'importe quoi. On peut pas dire que je sois le plus grand fan de Stephen Harper mais je ne vais quand-même pas le blâmer pour l'économie mondiale. Après six ans, il est peut-être temps de se rendre compte que l'économie s'est ajustée, quoiqu'il arrive les choses ne seront jamais exactement comme avant. Même quand il y aura la Relance, il n'y aura plus les mêmes jobs aux mêmes endroits pour les mêmes prix, pis comme The Economist l'explique au chaque deux semaines, les travailleurs qui ont passé les six dernières années assis sur leurs mains à attendre la Relance, ils auront perdu une partie de leurs compétences et ils ne pourront de toute façon pas demander les mêmes positions et les mêmes salaires qu'avant. Alors que ceux qui ont changé de filière et fait du bon travail même si c'était pas leur rêve, à mon avis ils auront au moins l'avantage d'avoir de bonnes références et d'avoir démontré qu'ils sont adaptables et travailleurs.

Ce que je comprends encore moins, d'ailleurs, c'est quand The Economist me dit que les chômeurs abandonnent l'idée de travailler à force de pas trouver. Ah bon? Mais alors ils font quoi? Moi si j'abandonne l'idée de travailler, tout de suite le loyer n'est pas payé. C'est bizarre quand-même, apparemment c'est mieux vu d'abandonner l'idée de travailler que d'abandonner l'idée de faire uniquement la job qu'on aime.

Bon. Donc tout ça pour dire, je fais un travail un peu cave, parce que c'est moins cave que de ne pas en faire du tout. Mais il y a une autre raison: je n'ai pas envie de louer mon cerveau à un employeur. Si je fais un travail qui me demande de penser, l'employeur paye (pas assez, en général) pour mes pensées, pis le temps que je rentre chez moi, je suis fatiguée de penser. Du coup toutes mes pensées sont vendues à l'employeur. Alors qu'avec cette job facile, l'employeur loue mes mains et mon dos pendant huit heures, mais pas mes pensées. Quand je sors de l'ouvrage, j'ai plein d'heures de cerveau à utiliser. D'ailleurs je peux même penser mes propres pensées pendant les heures de présence et ils n'y voient que du feu. Tant que mes mains mettent les produits sur les rayons, l'employeur ne peut pas se plaindre que je suis en train de penser à la diffusion de la langue proto-indo-européenne. C'est rusé, non?

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