mardi 28 août 2012

Le défi du défi

La difficulté du défi des livres, je l'ai déjà dit, ce n'est pas de lire les livres mais d'écrire les revues. Donc une fois de plus, j'ai une grosse pile de livres de retard. Alors.

Livre n°26: Oryx and Crake, Margaret Atwood, 2003

Bof, bof, bof. Je l'ai trouvé dans l'échange de livres, pis je l'y ai remis. Parce que bof. J'aime pas trop Atwood de toute façon, et celui-ci moins que les autres. Et y a un fou qui a écrit une revue selon laquelle « Atwood does Orwell one better », c'est-à-dire plus ou moins « Atwood c'est encore mieux qu'Orwell. » Alors bon, je comprends que les maisons d'édition mettent les revues flatteuses sur la couverture, mais celle-là il aurait mieux valu la jeter, parce que ça m'étonnerait assez que les lecteurs soient d'accord. Surtout ceux qui ont lu Orwell.

Alors bon. L'histoire de ce livre, c'est que dans l'avenir, le monde sera nul, puis il y aura un cataclysme dû au mariage de la science avec l'arrogance et le manque de responsabilité, pis après ça il y aura un monde post-apocalyptique dystopien. Oh la la comme c'est original ! Je rêve !

Bin oui. Alors déjà le concept est plutôt défraîchi, donc si tu veux le faire, il faudrait le faire vraiment bien... Bin non. C'est nettement moins bien qu'Orwell, ou Barjavel, ou Boris Vian, ou Robert Merle, ou les autres que j'oublie. En fait c'est probablement le roman dystopien le pire que j'aie jamais lu.

Je recommande Barjavel, c'est nettement mieux.


Livre n°27: Tommy Douglas, Vincent Lam, 2011 (pour la série Extraordinary Canadians)

Ouiche... Tommy Douglas, pour les non-NPD, c'est le fondateur du NPD (Nouveau Parti Démocratique, auquel j'adhère, comme vous le savez). Enfin pas à lui tout seul, mais c'est celui dont on a retenu le nom. Au Canada on l'appelle également « le père de la sécu ». Il est tellement génial que quand la CBC a organisé une sorte de sondage-concours pour nommer « le plus grand Canadien », c'est lui qu'a gagné. Donc, Tommy Douglas, intéressant.

Le livre sur Tommy Douglas, par contre, pas très intéressant. Cette série a été créée, j'imagine, dans l'espoir que des Canadiens la liraient. Et comme dans l'ensemble les Canadiens lisent peu et mal, ce livre est écrit à leur niveau. C'est très court, avec peu de détails, encore moins d'analyse, et pas de mots compliqués. Bon, c'est plus agréable que le tome immonde sur Churchill que j'avais lu, mais il faudrait peut-être trouver un juste milieu.

Je recommande de chercher un autre livre sur Tommy Douglas. Sauf si vous lisez au niveau du Canadien moyen.


Livre n°28: Lost Scriptures: books that didn't make it into the New Testament, Bart D. Ehrhart, 2005

Alors ça c'est complètement dément, mais pas forcément dans un bon sens. Comme le sous-titre l'indique, c'est un recueil d'écrits qui ont failli être dans le Nouveau Testament. Alors je croyais que ça contiendrait tout un tas de secrets que l'Eglise ne veut pas que les fidèles sachent... Bin non. Il n'y a aucune révélation dans le tas. On commence par 17 « évangiles non-canoniques » qui racontent absolument n'importe quoi. Bon, les non-croyants me diront que les « vrais » évangiles aussi, mais même pour un non-croyant, la différence serait frappante. Les quatre évangiles, on peut y croire ou ne pas y croire. Les « évangiles non-canoniques », si t'arrives à y croire, j'ai un pont à te vendre. Entre autres problèmes, ils contiennent énormément de miracles et très peu d'enseignement, alors que c'est l'enseignement qui rend les quatre plus ou moins crédibles.

Après les évangiles, il y a 5 « actes ». Le premier, celui de Jean, contient le miracle des punaises de lit, qui est génial et je compte bien écrire un jour un sermon à ce sujet. Le reste, surtout les Actes de Thecla, c'est n'importe quoi. Thecla, apparemment, c'était la concubine de Paul, ou au moins une groupie acharnée. Ce qui est bizarre parce que non seulement Paul prêchait énormément l'abstinence, mais si j'ai bien compris, il était gay (ceci expliquant peut-être cela).

Après, les épîtres. Bon, les épîtres, ce n'est pas convaincant de toute façon. Celles-ci sont un peu intéressantes dans le sens qu'elles diffèrent de celles de Paul, qui a détourné l'Eglise primitive pour ses propres fins, donc il n'est pas inutile d'avoir une perspective différente. Mais comme certaines de celles-ci sont de toute évidence des faux (par exemple, celles qui sont attribuées à Ptolémée), c'est encore moins convaincant que les opinions de Paul.

Et après ça, ça part vraiment en couille, avec les « révélations ». Déjà, la Révélation à Saint Jean, c'est un peu beaucoup n'importe quoi. Celles-ci tiennent beaucoup de la tradition gnostique, et ça, je ne sais pas ce qu'il faut fumer pour se convaincre que ça a du sens. J'aime assez la théorie que Dieu est en fait un serpent à tête de lion qui se prend pour Dieu, mais en matière de mythologie, plus on en fait, moins c'est plausible.

Donc voilà. Je le recommande si vous vous intéressez à l'histoire du début de l'Eglise. Sinon, c'est probablement pas votre tasse de thé.


Livre n°29: The (Honest) Truth about Dishonesty, Dan Ariely, 2012

Ouiche. C'est assez bien, ce truc. Tellement bien qu'il a eu une revue dans The Economist. Dan Ariely, vous l'aurez deviné, étudie la psychologie de la déshonnêteté. Alors il découvre que tout le monde est malhonnête, et que contrairement aux théories plus anciennes, le tricheur n'est pas vraiment motivé par une analyse rationnelle des risques et récompenses liés à la triche. Ce qui l'intéresse plus, c'est de maximiser ses gains sans toutefois compromettre son image de lui-même comme gars bien et surtout honnête. Et en fait, on s'en doutait, non?

Un des points qui m'ont bien plu, bien qu'ayant très peu de rapport avec le reste du livre, c'est là où il parle des choix vestimentaires et de leur rôle de « social signalling », c'est-à-dire, de communiquer aux autres comment on désire se positionner. Tiens, il me semble que je l'avais bien dit, hein.

Ce qui manque à ce livre, à mon avis, c'est la neurobiologie. Car l'analyse du comportement est intéressante, certes, mais elle l'est encore plus quand on sait comment ledit comportement est motivé par les processus physiques du cerveau.

Bon, je le recommande, mais comme il est petit et vite lu, je recommande de faire comme moi et de l'emprunter à la bibliothèque.


Livre n°30: Tobit

C'est un des livres apocryphes, ou deutérocanoniques. J'en ai fini de lire la Bible, sauf le Cantique des Cantiques qui ne m'intéresse pas, et les psaumes qui sont assez lourds à lire du début à la fin. D'ailleurs, comme la femme du prêtre m'a dit d'un air pincé, « il n'y a pas besoin de les lire puisqu'on les écoute tous les dimanches. » Ce qui est faux, parce que un, le lectionnaire n'inclus pas tous les psaumes, ni même tous les vers des psaumes qu'il utilise, deux, les psaumes sont lus à la messe dans une version qui se prête à être chantée, et qui est différente de la version qu'on trouve dans les bibles, qui se prête davantage à l'étude; et trois, pour nous autres luthériens qui n'avons pas de paroisse locale, la seule façon d'entendre les psaumes, c'est de les lire soi-même. Enfin bref, toujours est-il que je n'ai pas encore lu tous les psaumes. Mais ayant lu tout le reste, je me mets aux livres deutérocanoniques.

Bon, donc, Tobit, premier livre deutérocanonique, je dois dire qu'il ne m'intéresse pas énormément. D'un point de vue théologique, il est assez douteux. C'est un peu à mi-chemin entre les « vrais » livres de la Bible et les trucs fous de Bart D. Ehrman. Je ne recommande pas trop.


Livre n°31: Guantanamo's Child: the Untold Story of Omar Khadr, Michelle Shephard, 2008

Hmmmmm... Bon. L'histoire d'Omar Khadr, c'est très important, surtout pour nous-autres Canadiens. Omar Khadr est un citoyen canadien et pakistanais, qui à l'âge de 15 ans, avait été engagé comme enfant-soldat en Afghanistan. Philosophiquement, il est possible de croire qu'un gars de 15 ans est d'âge à être soldat, mais la Convention de Genève a prescrit 16 ans comme l'âge minimum des soldats; donc, un enfant de 15 ans est un enfant-soldat et est censé être protégé par la Convention. Or donc, à l'âge de 15 ans, Omar Khadr a été appréhendé par des forces Etats-Uniennes après un combat qui opposait cinq ou six Afghans munis de grenades artisanales et planqués dans une maison en briques de boue séchée, à au moins 12 Etats-Uniens et deux F-18. Les Afghans ont été tués, et un des Etats-Uniens de même. Bin tiens, t'envahis quelqu'un, tu dois quand-même t'attendre à y perdre des gars.

Et bin non. Les Etats-Uniens ont décidé que de tuer un des leurs en auto-défense est un crime de guerre, et comme Omar était le seul survivant de l'autre côté, ça doit bien être sa faute – bien qu'il n'ait probablement pas lancé la grenade qui a tué le gars. Alors c'est bizarre, moi j'avais cru comprendre que le but de la guerre, justement, c'est de tuer les autres gars. Surtout quand ils envahissent ton pays, mais bon, vu que c'était pas non plus son pays à lui et qu'on se demande un peu ce qu'il y faisait, je laisse tomber cette partie de l'argument.

Toujours est-il qu'Omar a été incarcéré et torturé, d'abord à Bagram puis à Guantanamo. Jusque-là, il n'est pas le seul, car beaucoup d'adultes se sont aussi fait prendre dans la machine de propagande Etats-Unienne, grâce à laquelle, entre autres, George W. Bush a réussi à prétendre que l'Afghanistan ce n'est pas une guerre et que donc les prisonniers ne sont pas prisonniers de guerre et n'ont donc aucun des droits prescrits par la Convention, et que d'autre part, les gars qu'ils capturent lors de leurs opérations de non-guerre sur le territoire d'un pays souverain sont, eux, coupables de crimes de guerres selon la même Convention qui ne les protègerait pas. La différence entre Omar et les autres est que d'abord, Omar est un enfant – enfin il l'était – et deuxièmement, alors que tous les gouvernements civilisés ont fait tout ce qu'ils ont pu pour libérer leurs ressortissants, et y ont réussi, le gouvernement canadien n'a absolument rien fait pour Omar.

Après beaucoup d'arguments spécieux du gouvernement Etats-Uniens, selon lequel Omar n'avait le droit d'être représenté que par leurs propres sbires, deux avocats canadiens ont réussi à voir Omar et ont donc pu assurer plus ou moins une liaison avec sa famille et le public canadien. Pendant des années, Omar n'a même pas été chargé. D'ailleurs il n'existe pas de procédé pour le charger. Puis les charges ont été rejetées par la commission chargée de le juger. Dans les pays normaux, quand un tribunal rejette les charges, on est libre. Aux Etats, apparemment, le procureur peut simplement inventer d'autres charges et recommencer. Enfin, après huit ans de détention sans procès, le gouvernement Etats-Unien a fini par le charger de tel et tel crime de guerre, parce qu'ils commencent à être très embarrassés par Guantanamo. Omar a plaidé coupable, bien qu'il n'ait eu aucun des droits qui lui sont garantis par la Convention, et bien que les charges soit fausses. Mais vu la mauvaise foi des Etats-Uniens, il ne pouvait pas risquer un procès. Il a donc été condamné à huit ans de prison. Bizarrement, alors qu'il avait déjà servi huit ans, on ne lui a pas donné de crédit pour « time already served. » Deuxièmement, les Etats sont maintenant très pressés de se débarrasser de lui, et avaient donc demandé au gouvernement canadien de le rapatrier. Alors que, je l'ai déjà dit, tous les autres gouvernements se sont battus pour libérer leurs ressortissants, le gouvernement de Stephen Harper a dit qu'on pourrait le rapatrier après qu'il ait fait encore un an de plus à Guantanamo. En plus des huit qu'il a déjà fait et qui sont tout ce qu'il est censé avoir à faire. Mais comme le gouvernement de Stephen Harper c'est tous des menteurs et des caves, maintenant qu'Omar a fait son année de plus, Vic Toews, le Ministre de la Vérité, refuse de le laisser rentrer, sous prétexte que « le danger qu'il pourrait poser aux Canadiens doit être évalué. »

Bon. Donc l'histoire d'Omar Khadr, c'est très intéressant. Mais une fois de plus, le livre sur Omar Khadr est décevant. C'est écrit par une journaliste, donc plein de détails biographiques pas intéressants sur des caractères périphériques, et pas assez d'information en profondeur sur, par exemple, les principes de loi qui auraient dû s'appliquer dans ce cas. Ce qu'on retient surtout de ce livre c'est la mauvaise foi absolument épique des gouvernements, par exemple quand le gouvernement des Etats-Unis déclare que le suicide de trois détenus à Guantanamo constitue « un acte de guerre asymétrique contre nous ». Faut le faire, quand-même.

La morale de tout ça, c'est que je ne recommande pas forcément le livre, mais si vous êtes Canadien, renseignez-vous, signez la pétition de Roméo Dallaire, et arrêtez un peu de voter pour les Cons.


Livre n°32: Under the Volcano, Malcolm Lowry, 1947

Je l'ai lu parce que la bibliothèque avait fait un étalage « auteurs anglais » en l'honneur des Jeux Olympiques, et celui-ci en faisait partie, et le graphisme sur la couverture était intéressant. Pis comme il y avait un long weekend, j'avais besoin de quelque-chose pour m'occuper.

Malcolm Lowry était un alcoolique, et ceci, c'est une histoire sur un alcoolique. Alors c'est un peu Fear and Loathing in Las Vegas version 1940. Sauf que dans ce livre-ci, le protagoniste a une histoire en dehors des deux ou trois jours que dure le roman. Et son histoire, c'est qu'il a fait la guerre, puis une cours martiale où il a été acquitté, puis il est devenu Consul britannique au Mexique. A un moment, il s'est marié avec une ex-actrice divorcée, qui l'a trompé avec son demi-frère et son ami d'enfance avant de le quitter et de passer un an à lui écrire des lettres idiotes genre « pourquoi m'as-tu laissée partir » et à les envoyer à la mauvaise adresse, pour ensuite lui reprocher de ne pas y avoir répondu. Enfin bon, elle obtient le divorce, puis, elle revient et réclame qu'ils s'en aillent ensemble recommencer leur vie au Canada. Alors le gars ne sait pas trop quoi faire, pis comme déjà il est un alcoolique très sévère et qu'il est bourré à mort le matin où elle se pointe de nouveau chez lui avec ses reproches et ses exigences, il boit encore plus, puis il s'en va dans les bois et se trouve seul avec des mexicains de mauvais alois, qui le tuent.

Et voilà, c'est tout. Alors d'un côté, c'est intéressant, parce que de toute évidence le monologue plus-ou-moins-interne de l'alcoolo n'a pas beaucoup changé depuis 1940, mais d'un autre, ça m'a assez exaspéré, parce que chaque fois que je lis de la fiction, il s'agit toujours d'une femme folle qui gâche la vie de tout le monde. Et faut pas croire que ce soit le sexisme des auteurs anglais du siècle dernier, parce que la plupart des livres où j'ai rencontré ce problème sont récents et écrits par des femmes. Pis la télé, pareil. Je n'ai pas la télé chez moi, mais j'emprunte des séries à la bibliothèque: House, The Tudors, Boardwalk Empire, c'est tout pareil, les femmes sont des harpies névrosées qui ne font qu'à empoisonner leur monde. C'est relou, à la fin.


Voilà, c'est tout. Et surtout c'est l'heure de la promenade de Sa Majesté.

1 commentaire:

Abige Muscas a dit…

honnêtement, Barjavel ce n'est PAS mieux qu'Atwood. Mais vraiment pas. A part dans Ravage, à la limite - sinon, c'est tout baveux de sentimentalité, beuh.

Moi Oryx and Crake je l'avais trouvé longuet par moments (le perso d'Oryx est tout sauf passionnant) mais réellement pas mal parce qu'il donne vraiment le temps d'entrer dans l'ambiance. J'aime bien que le héros (Mr Snowman?) soit un loser absolu, et qu'il ne lui arrive jamais rien. C'est tellement probable, finalement: c'est sûrement comme ça que vous et moi (enfin moi) vivrions dans ce genre de circonstances. Bref, pour moi c'est un roman qui se défend bien.