mardi 17 mai 2011

Les bed bugs

En Anglais, quand on met les gamins au lit, on leur dit « don't let the bed bugs bite ».

Keskeucé ?

Un bed bug, c'est un insecte de la taille d'un pépin de pomme, qui boit le sang des gens la nuit pendant qu'ils dorment. Le jour aussi, mais moins, car ils sont nocturnes et vivent surtout dans les lits.

Bon. Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que les bed bugs avaient été presque exterminés du continent nord-américain, et puis comme la polio, les gens deviennent complaisants, arrêtent de prendre leurs précautions, et hop, ils reviennent. Donc là les infestations se multiplient depuis des années. Et la semaine dernière, l'inspecteur de la santé publique a annoncé qu'il y en a dans un appartement du Highrise pour sûr, et un deuxième pas confirmé. Donc on attend maintenant que l'exterminateur rentre de vacances la semaine prochaine, et après, on va voir ce qu'on va voir.

Pas de problème. Surtout pas pour moi, vu qu'il n'y en a pas chez moi.

Alors comme il n'y a pas de problème, les gens de Hay River se sont attelés à la tâche d'en créer un. Car comme dit Dale Carnegie, une des motivations principales de l'homme est de se sentir important. Hors, il y a très peu de gens importants dans le monde, et ils ne vivent pas à Hay River ; donc pour se sentir important, les villageois aiment à créer des grands drames, tant que ça ne requiert pas qu'ils fassent quelque chose d'utile, ou qu'ils disent la vérité. Je me doutais depuis longtemps que les gens mentaient, car leurs histoires ne tiennent pas debout ; j'en ai eu la preuve en octobre quand quelqu'un est tombé d'un balcon quelques étages au-dessus du mien. Réveillée par le bruit, j'ai été sur mon balcon en à peu près quinze secondes, et j'ai donc tout vu de ce qui s'est passé de ce moment jusqu'à ce que la police quitte les lieux deux heures après. Et pourtant, des gens qui vivent à l'autre bout de la ville m'ont expliqué exactement par le menu comment ça s'est passé – et bizarrement, leur version, bien que juré-craché catégoriquement, ne correspond pas à la mienne.

Alors pour en revenir aux bed bugs, maintenant que l'inspecteur a confirmé UN appartement, les villageois s'empressent de te dire que tout l'immeuble en grouille et qu'eux le savaient depuis des mois. Une fille qui a déménagé du Highrise il y a près d'un an nous apprend tout à coup que c'était justement à cause des bed bugs. C'est pourtant drôle, elle n'en avait jamais dit un mot avant que ça soit dans le journal. Une autre femme dit que les gens s'en sont plaints il y a des mois et qu'on leur a dit que c'était la varicelle, et une autre, que « les infirmières le savaient depuis longtemps » car elles ont vu pleins de gosses mordus.

Bon... D'accord, je te crois. Que les infirmières ne reconnaissent pas la différence entre la varicelle et les bed bugs, bon, peut-être. Ça arrive. Mais si c'est « plein de gosses », c'est probablement la varicelle, car si c'était des bed bugs, ça serait peu de gosses mais également leurs parents. Troisièmement et le plus important, la varicelle, ça guérit ; les bed bugs, ça empire, à moins que tu y fasses quelque chose. Donc si les infirmières s'étaient trompées, les victimes s'en seraient vite aperçues. Puis à supposer que les infirmières « le savaient depuis longtemps », on voit mal pourquoi elles ne l'auraient pas dit a) aux parents et b) à l'inspecteur de la santé publique. Et si les parents l'avaient su, ils auraient fait un drame il y a longtemps. Donc soit les infirmières sont toutes incapables, soit elles se sont toutes donné le mot pour mentir aux parents et ne pas prévenir la santé publique. D'une façon ou d'une autre, on voit mal comment le villageois de base qui remue les lèvres en lisant pourrait faire un meilleur diagnostic des semaines et des mois plus tard sans même avoir vu les patients.

C'est un des trucs que j'aime ici : on peut étudier la bêtise humaine quotidiennement et de très près. (Bon, en fait j'aime surtout le climat, les animaux, et la rivière, mais du côté humain, c'est surtout l'ethnographie étrange qui m'intéresse.)

Cela dit ce qui me fait surtout rire, c'est les gens qui disent « moi j'ai déménagé à cause des beg bugs ». Parce que si tu ne savais pas t'en débarrasser là où tu étais, tu les auras emportés avec toi. Haha ! C'est malin ! D'ailleurs tu devrais pas trop l'ébruiter, parce que si ton propriétaire soupçonne que tu as introduit des bed bugs chez lui, il va être très mécontent.

Les fans du drame prédisent maintenant un exode du Highrise. Ça m'étonnerait, pour trois raisons. Un, il y a plus de cent appartements, un a des bed bugs. Deux, pour louer quoique ce soit d'autre, c'est très très cher. Et trois, si les autres propriétaires sont malins, ils ne te laisseront pas déménager du Highrise chez eux tant que l'inspecteur pense qu'il y a des bed bugs ici, parce qu'ils seraient sûr d'en avoir vite dans leurs immeubles aussi.

Quant à moi, je reste où je suis. D'abord il n'y a pas de beg bugs chez moi, et quand l'exterminateur viendra, il saura y faire. Deuxièmement, même sans l'exterminateur, il y a des sprays et autres produits pour les tuer, si jamais ils y viennent. Et troisièmement, j'aime mieux les bed bugs que la plupart de mes voisins. Par contre pour les amis de France, si je ne reste pas chez vous la prochaine fois que je viens, c'est pas que je ne vous aime pas, mais je ne voudrais pas vous infester de bed bugs.

1 commentaire:

Mongoose a dit…

Blogger a efface les commentaires sur cet article donc je les refais:

Picard:
M'en fous, chez moi il y a, comme tu sais, outre des scorpions, des scutigères véloces dont les punaises de lit constituent le menu préféré ! (En fait je n'ai pas revu de scutigère depuis l'été dernier, mais je déduis de leur absence l'absence de proies)
Donc tu peux venir. (Préviens quand même ; il y a de bonnes chances que je n'y sois pas)

Abige Muscas:
ce sont des punaises, non?

Moi:
Je ne retrouve pas ce que j'avais ecrit dans les archives... une histoire d'araignees. Maudit Blogger!