lundi 2 mai 2011

Le défi fait un grand bond en avant

Livre n°42: Mao : the Unknown Story par Jung Chang et Jon Halliday, 2005.

Imaginez 1984.

Imaginez que ce soit mille fois pire. Au lieu d'un appartement où Big Brother te regarde, tu vis dans un dortoir à ton ouvrage, ou dans une cave, ou dans un abri de feuilles et de boue. Tu portes un pyjama maoïste, ou rien du tout, et il fait -30°C. Tu manges 1200 calories par jour, tu dors trois heures, et tu travailles onze heures (par comparaison, pour travailler dix heures par jour et bien moins dur, il me faut 2500 calories et huit heures de sommeil). Il n'y a ni écoles ni médecine. Il n'y a pas d'animaux de compagnie, de divertissement, de livres, de culture, de parcs, ou de fleurs. Et encore, ça c'est quand tu es libre ; en prison c'est bien pire.

Imaginez que ça touche 900 millions de personnes pendant 50 ans.

Imaginez que ce soit encore pire que tout ça.

Puis, imaginez que ce soit vrai.

C'est comme ça que Jung Chang voit l'histoire de Mao.

Bon, j'avais rien écouté au cours d'histoire, mais j'avais cru comprendre que Mao était... tout ce qu'en dit Wikipedia : révolutionnaire, stratège, poète, théoricien en politique, meneur de la révolution chinoise, et fondateur de la République Populaire de Chine ; commandant de la Longue Marche, vainqueur de la guerre civile et de la guerre sino-japonaise ; réformateur agraire ; et créateur des fondations économique, technologique et culturelle de la Chine moderne. D'ailleurs je n'avais pas écouté ce que c'était que la Longue Marche ou le Grand Bond en Avant, tout ce que je savais c'est qu'il avait fait exterminer les moineaux « qui mangeaient les récoltes ».

Ce qu'on ne nous avait pas dit, c'est que les moineaux mangent surtout des insectes, et qu'après s'en être débarrassé, Mao a demandé aux Soviets s'ils ne pourraient pas lui en envoyer 200.000 de rechange. Et c'est la moindre des choses qu'on ne nous avait pas dit.

Quand je me suis intéressée à Staline, j'ai lu des choses comme « le plus grand criminel de l'histoire ! » Ha! Staline n'arrive même pas à la cheville de Mao. D'abord on ne blâme Staline « que » pour 21 millions de morts ; Mao, 70 millions. Staline ne l'avait pas complètement fait exprès ; Mao, si. Staline ne participait pas aux tortures ; Mao, si. Staline ne forçait pas les gens à se torturer entre eux ; Mao, si. Parce que Mao, ça l'amusait énormément de faire souffrir les gens. Et Staline a quand même eu des réussites, par exemple, le taux d'alphabétisation a beaucoup augmenté, alors que sous Mao il a beaucoup baissé. D'autre part, Staline travaillait dur, parlait plusieurs langues, avait beaucoup étudié la pensée des autres marxistes et léninistes, et ce n'est pas lui qui a commencé la révolution. D'ailleurs en Russie il y avait une vraie révolution des travailleurs, alors qu'en Chine, pas du tout. Il n'y avait que Mao et ses potes qui s'amusaient à torturer des gens. Et ce n'est pas tout. Staline vivait assez modestement et était généralement décent, quoique désagréable, dans sa vie privée. Mao vivait dans un luxe incroyable, ne s'intéressait qu'à manger et à baiser, et était un gros porc aussi bien dans le privé que politiquement. D'ailleurs il n'avait aucune pensée politique. Il lisait beaucoup, mais ne parlait que le dialecte de son village natal, ne maîtrisait même pas l'arithmétique, et ne comprenait absolument rien à l'économie, à la guerre, à la diplomatie, à la technologie, en gros, à tout ce qui n'avait pas trait à manger, chier, baiser, et torturer le monde.

Quand j'avais lu la biographie de Staline, je m'attendais à découvrir un gars très pathologique ; au contraire, il avait l'air très normal. Mao, c'est l'inverse : on s'attend à un gars bien, c'est en fait un être absolument répugnant. Et pourtant, pas surprenant, car je reconnais une fois de plus le même modus operandi que mon ex-homme, mon ex-patron, et Ivan le Terrible. Puisque ça ne se trouve pas dans le DSM, j'appelle ça « la pathologie de Groupe 3 » pour des raisons que je ne vous explique pas. Et c'est en fait très simple, très prévisible, et très plate, mais comme Mao et Ivan le Terrible l'ont démontré, si tout le monde ne s'unit pas pour y résister, on ne sait jamais jusqu'où ça peut aller. Et justement, les gens comme ça réussissent à empêcher les gens de s'unir. Je ne vais pas me pencher sur les détails de comment et pourquoi, au moins pas aujourd'hui, mais il faudrait que quelqu'un le fasse pour développer une stratégie anti-Groupe 3.

Donc si vous connaissez des gens de Groupe 3, cette biographie est en même tant effarante et un peu plate parce qu'on connait déjà la chanson. Et si vous avez la chance de ne pas en connaître, soit vous n'y croirez même pas, soit vous penserez que c'est un cas unique, ou au moins rare. Méfiance... Il y a de ces gens partout, et si ce n'était que de moi, je les ferais tous dénoncer et purger.

Si vous vous intéressez à l'histoire, je le recommande énormément. Si vous ne vous intéressez pas à l'histoire... c'est une pente glissante.

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