jeudi 26 novembre 2009

La vie séduisante du charpentier, 3ème partie

Les bleus sur les jambes continuent à apparaître et disparaître. Je suis blasée. N'empêche que l'année prochaine pour Hallowe'en, je me déguise en femme battue, ça sera pas trop de travail.

Ce qu'y a de bien par contre c'est que je commence à me faire des muscles... Pas beaucoup, parce que j'arrive pas à manger assez pour me tenir chaud ET me faire des muscles, mais bon, là je vois que j'ai un peu plus de muscle aux jambes. Alors les mollets musclés c'est bien, mais alors sur l'avant de la jambe? Est-ce que ça a même un nom? Est-ce le "muscle jambier extérieur" ou le "muscle péronier antérieur"? Ou même le "muscle extérieur commun des orteils"? C'est dingue ça, d'avoir un super gros muscle des orteils. Sur la jambe, en plus. Un des camarades a même des muscles tellement étranges sur les avant-bras, il a fini par appeler sa sœur masso-thérapeute pour demander si c'était normal.

On est comme dans l'ancienne pub d'A535: on a mal dans des muscles qu'on savait même pas qu'on avait. D'ailleurs j'ai même des genres de douleurs dont je savait pas que ça existait. Est-ce une crampe? Une courbature? Une entorse? Un claquage? Est-il même possible de se faire un claquage aux muscles entre les côtes? Probablement pas. D'ailleurs c'est peut-être même pas un muscle, et même c'est pas forcément dans les côtes. C'est peut-être un nerf qui pince ailleurs. Enfin c'est pas la question, d'ailleurs, l'important c'est de savoir si je peux continuer à travailler. Alors deux ibuprofènes avant de me coucher et deux avant l'ouvrage, et hop, tout va bien.

Et puis grâce à mes gros muscles communs des orteils, maintenant les échelles, ça me connaît. J'ai toujours eu très peur des échelles, je trouve que c'est un outil diabolique, alors imaginez mon enthousiasme le premier jour sur ce job quand ma première tâche a été de monter sur un toit pour déblayer de la neige... Eh bien ce toit, on y est retournés aujourd'hui, et l'échelle, bin j'ai même pas peur! Haha! Depuis six semaines que je fais que ça, il en faudrait une bien plus longue pour m'effrayer. Alors je grimpe allègrement comme une chèvre des montagnes, et sur le toit, bin, des masses de neige.

Bon, je déblaye. Mais le camarade apprenti qui travaille avec moi sur le toit, il est enthousiaste mais pas forcément le plus rusé de l'équipe, alors il est déjà à son ouvrage, mais il s'y est mis de bas en haut, alors que moi forcément, je déblaye de haut en bas. Alors je vais quand même pas lui balancer la neige dans la tronche, hein, donc au lieu de la jeter du toit, je la mets de côté. Ça me fait un tas de deux pieds de haut... Pas de problème. Puis je vais déblayer ailleurs.

Au bout d'un certain temps, le chef d'équipe vient voir comment ça va, et il me dit, "quand vous aurez fini, il faudra remettre cette neige en place." Ho... Tu rigoles? Remettre la neige en place? Bon, dans notre compagnie on ne réponds pas, mais j'ai quand même du le regarder d'un air incrédule, alors il me dit "parce que la neige, c'est un bon isolant." Oui d'accord, mais enfin le toit il est tout neuf, on l'a fini y a pas six semaines, et puis il va encore neiger davantage. Mais bon, on me dit de remettre la neige, je veux bien remettre la neige. L'ennui c'est que là où je pouvais, je l'ai balancée du toit, alors je demande au chef, comment je fais là où j'ai pas de neige? Et il me dit bon, pas grave, là où y'en a pas tu t'en fais pas, mais je veux pas voir ce tas de neige ici.

Ah, d'accord, alors c'est pas le gâchis d'énergie qui l'ennuie, c'est l'esthétique. Là, je capte. Et en fin de compte j'ai été bien contente de pouvoir re-pelleter cette neige, parce qu'en fin de journée, j'avais hyper froid. Parce que voyez-vous, il faisait -4°C. Zut alors... -24°C, ça va, -14°C, ça va, -4°C, on a froid. C'est justement à cause de la neige, parce que par -24°C, la neige est sèche. On s'en met sur soi, bon, on la brosse, ou on la laisse et ça forme une petite carapace, et dedans on est au sec et au chaud. Mais -4°C, la neige est lourde, collante et humide, et dès qu'on la touche, elle fond, et puis elle mouille. Alors le camarade et moi, on est à genoux, assis, couchés dans la neige, les mains dans la neige, les pieds dans la neige, bon, on se pose pas de questions, on a une tâche à faire et on la fait. Mais quand on est descendus pour la pause déjeuner, on était trempés.

Lui portait un pantalon sous une combinaison, alors il enlève sa combinaison et la pend près du radiateur. Moi j'avais qu'une salopette et deux caleçons longs, alors j'ai rien pu enlever, mais de toute façon en une demi-heure, rien ne sèche. Je me suis assise près du radiateur pour manger mes deux sandwiches banane-beurre d'arachide (parce que ça a plus de calories que jambon-fromage), et puis je suis allée aux chiottes, et voila, il faut s'y remettre. Alors on remet les gants mouillés, les laines polaires mouillées, le harnais antichute mouillé, la ceinture à outils mouillée, les bottes... tiens, les bottes sèches. Elles tiennent bien l'eau - pour le moment. Le camarade met 15 minutes à se rhabiller, c'est tellement pas confortable.

On se dit, bon, quand on se remettra à bouger, ça ira mieux... Bin non. Même quand on bouge, on est mouillés jusqu'aux sous-vêtements et c'est nul. Et puis maintenant, quand on se met à genoux, assis ou couché, on n'a plus aucune protection contre le froid. On se dit que tout va bien, mais n'empêche, la sensation de brûlure partout où le corps touche le toit, c'est pas sympa.

Heureusement, on ne travaillait que jusqu'à 16h00, alors j'ai été bien contente à 15h30 de me mettre à remettre la neige en place, à monter et descendre l'échelle douze fois pour descendre les outils, à ranger les morceaux de parement en une belle pile bien droite... C'est pas intelligent, mais ça réchauffe nettement plus que de faire les bordures de toit.

De retour chez moi, j'ai du tout mettre dans la sécheuse, sinon ça serait encore mouillé au matin... Et on nous annonce encore le même temps jusqu'à lundi. Espérons qu'on en aura fini de ces bordures avant qu'on soit de nouveau trempés jusqu'aux os.

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